Ne lui demandez pas ce qu’il foutait là, il n’en savait rien.
Tel un touriste aguerri, il s’était baladé de contrée en contrée jusqu’à atterrir dans un endroit perdu, appelé le Tatran. C’était sympa comme endroit mais peut-être à cause de toutes ces têtes en double, il y avait vraiment trop de monde pour lui. Et en plus, la pluie s’était jointe à lui. Trempé jusqu’aux os, il avait erré comme une âme en peine dans la ville jusqu’à trouver enfin un bar.

« OKAPI » se nommait-il. Quel nom farfelu. Très bizarre. Mais soit. Tout pour changer de vêtements. Surtout son joli jean qui lui avait couté presque 15 crédits Muts argent… S’il rétrécissait, il allait vraiment râler. Son T-Shirt, encore, ça allait, il avait été protégé par son manteau. Qui n’était plus un manteau d’ailleurs.

Il passa le seuil de la porte et vit, malheureusement, qu’y avait beaucoup de monde également. Saleté d’agoraphobie.
Mais bon. Le bar sentait fort bon, la nourriture. En fait, vu le temps quelque peu chaotique, le barman avait dû retourner sa veste et avait dû appliquer la solution de repli : du manger pour tout le monde en plus du boire. Beaucoup du manger. Sight, sachant les efforts que cela représentait se présenta au barman.

« Bonsoir, monsieur. Je suis moi-même barman mais à Omois. Et je dois dire que vous assurez ce soir. Bravo. »

Et il lui serra la main. Sincèrement impressionné par le calme du barman, il s’assit et lui commanda de la vodka. Il avait pas l’esprit à boire du café. Il la but et remarqua un jeune homme qui l’observait. Enfin, surtout son T-Shirt. Le fameux « Venez chez les Sangraves, on a des cookies ». Il l’avait ressorti parce qu’il le faisait rire. L’avantage, c’est qu’il se faisait passer pour un humain qui se fait passer pour un sangrave. Un sangrave n’aurait jamais assez de culot pour en mettre un. Qu’ils étaient naïfs
Il posa son verre et regarda d’un sourire narquois la personne qui se trouvait à côté de lui. Il était très intrigué par son T-Shirt. Mais Sight détestait par-dessus tout qu’on le fixe ainsi sans rien dire. L’admiration, il aimait, les longs regards fixes, nettement moins. A moins qu’il veuille le voir torse nu ?

« Excusez-moi, peut-être que vous avez un problème ? Vous voulez que je vous aide à me mater comme ça ? Faut pas gêner surtout, allez-y, déshabiller moi du regard pendant que vous y êtes »

Ah lala. Un jour, son ironie le tuera. Mais bon. Pas maintenant.

Spoiler:

Les humains. Tous les mêmes. Tellement semblables mais tellement différents de lui.
Ils étaient cependant tous très bizarres.

Par exemple, celui à qui il avait parlé était mort de rire après sa réplique cinglante :

- Je vais me gêner tiens. C'est juste votre tête qui me fait peur, rien de plus...

Qu'est-ce qu'elle avait sa tête ? Un problème ? Mais non. Il l'avait vue ce matin, elle était toujours aussi parfaite. Alors what ?
Mais c'est qu'il se foutait de lui en plus ! Mais ça n'allait pas du tout, ça. Pas du tout du tout.
La dernière personne qui s'était moqué de lui (soi-disant qu'il était alcoolique, mais c'est pas vrai, se dit il en redemandant trois demis de vodka) gisait au fin fond des Limbes. Sight énervé, c'était dangereux pour tout le monde.
Il se rapprocha de lui, plus ou moins discrètement. Il allait lui foutre la peur de sa vie

Le visage de son "ami" était un concert d'émotions. Décidément, tous ceux qu'il rencontrait étaient mélancoliques.

Il fixait le sol si bien que Sight crut qu'il allait tomber. Mais finalement non.

- Je fais peur ? Ah bon ? Mais d'où sortez-vous ça, mon lapin ? lui dit-il avec un sourire carnassier. C'est bien la première fois qu'on me dit ça. Ah mais non, tous ceux que je tue me le disent mais ils ne sont plus là pour me le dire, bien sûr.

La promiscuité entre les deux étaient déroutante. On aurait dit que Sight allait s'asseoir sur ses genoux. Il se servit directement dans le verre de son camarade et regarda le barman qui les dévisageait. Un silence peu commode s'était fait dans la salle et tous les clients semblaient s'être retourné vers eux.
Sight pour faire bonne figure continua à parler.

- Donc je fais peur ? Mais en quel honneur ? Mon T-Shirt peut-être ? lui demanda-t-il en posant sa main sur la sienne, puis plus bas : Je déteste que l'on se moque de moi. Mais qui aime après tout ? Donc vous seriez mignon d'arrêter de pouffer en ma présence. Autrement, vous allez vous souvenir de moi pendant très longtemps.

Son sourire sadique ne l'avait pas quitté d'une semelle.