A la pêche aux coquillages je fume sur la plage et dessine des visages de femmes sur le sable, que la mer, jalouse, saccage puis efface d'une vague, légère comme une plume dans l'écume et la rage.
Seule sur la plage, je ramasse des coquillages pour décorer le temps qui passe et pour dessiner des visages de femmes sur le sable, mais la mer toujours les efface d'une vague sévère, jalouse et pourtant si légère.
Je fume doucement en dessinant des chevelures d'herbes de mer et d'algues brunes où parfois, je plante une plume de goëland mais toujours, la mer tourne la page et fait se noyer les visages des belles, sous les larmes et le sel.
J'ai le blues, je dessine les yeux de mes épouses avec des cailloux, des bijoux de verre poli, des étoiles de mer mortes, vite emportées par les eaux fortes qui clapotent de jalousie.
J'en a marre, je jette à l'eau un œil noir et, provocateur, je dessine un dernier visage avec un cœur et une flèche ; folle de rage une vague sèche le saccage et le ressac laisse la plage.
Vierge.
Je me marre, j'allume un autre cigare et les mains dans les poches je pars. Je pars fumer mon amertume, dans le ciel derrière les dunes : je pars dessiner des nuages et vais tromper mon chômage, pour décorer le temps qui passe...
Mon corps se dandine sur le sable, mes hanches ballotées par le vent, ma tête maltraitée par le sel. Je me croyais seule sur la plage, je me suis trompée. J'y suis venue sans trop savoir pourquoi. La jeune elfe s'exclame alors, avec le fort accent du pays de l'Est :

« Tourne la tête à droite et vois le monde ! »

J'attends, personne ne me répond. Pas même le ciel, pas même la mer. J'avais haussé le ton, je plaquai mes mains sur ma bouche sèche, j'avais haussé le ton. Pertubé le silence d'une matinée fraiche, le calme d'un sable sombre, la séreinité des rochers noirs et du blancs du ciel, du gris des nuages. Je baissai la tête comme une enfant en faute. J'ai décidé de ne pas travailler aujourd'hui. Je n'en ai pas envie. L'avantage avec le métier que j'exerçe, c'est qu'il n'y a pas de bureau où le patron pourrait vous surveiller.
Je ne suis pas du genre à me soucier du regard des gens. Je n'ai pas de recul particulier, c'est simplement que je ne les vois pas. Je reste atone comme une pierre face à eux.
Je ramasse un galet et le regarde longuement. Le tournant entre mes doigts fins et blancs. Je n'étais pas laide, mais mes mains avaient un aspect repoussant. Les veines bleues ressortent comme celles d'un homme, les doigts sont disproportionnellement longs et osseux. On croirait voir le squelette.
Je porte mes mitaines en dentelle noire et les manches de mon long gilet en laine gris cachent plus ou moins bien ses deux mains trop effrayantes. Je regarde la mer. J'avance ma jambe gauche, délicatement enroulée dans un patalon rouge et protégée d'une botte militaire. Je lance la pierre. Elle rebondit 3 fois puis tombe.
Je tourne la tête à droite mais les portes du Monde me restent closes. Alors, je reprends une pierre et la relance. Un éclat sur ma gauche me déconcentra et je ne lachai la pierre que trop tard. Le galet parti sur ma gauche et alla frapper au pieds d'un innocent. Effrayée par moi-même, j'ai crié avant de retenir ma voix encore une fois avec mains. Après un silence, j'ai dit, honteuse :

« Merde putain, pardon ! Je ne... ça va ? »