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 l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.

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Stanley A. Dyson
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MessageSujet: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Mar 18 Nov - 23:56



Une nuit ce fut Even, une nuit ce fut Faith, une nuit ce fut Levy.
Chaque nuit, c’était une personne différente que désignait Stan pour faire une insomnie, la partager avec lui, découvrir la joie de ses cauchemars, paralysies du sommeil et toutes sortes de joie d’un ancien otage. Au-delà de toute connotation malsaine et inappropriée, Stan se sentait pour la première fois victime d’une véritable injustice. Cette drôle de trahison de la part d’Eyleen, sa santé avait prit le dessus. Tombez malade, à défaut de panser vos peurs ça panse le cœur disait l’autre. Il avouait clairement, la théorie était simpliste, mais dans la pratique, entre sa peine de cœur et sa santé déviante, il ne savait que choisir. Il se disait que c’était des problèmes, naissant dans un arbre, grandissant dans un monde, interchangeant des idées pour le démolir, un peu comme le principe de l’idéosphère.
Je ne vous cache pas qu’il préférait clairement l’idéosphère. Les idées qui se parlaient étaient nettement plus sains que des monstres de soucis.

Chaque journée semblait lui être une éternelle boucle de l’ancienne journée. Chaque jour encore, il n’allait pas prendre le bus quinze pour éviter l’hôtel de ville pour le mot hôtel, il allait éviter le 14 aussi, parce qu’il passait devant les ruines du Splendide, il allait donc prendre le numéro un, s’arrêter trois arrêts avant pour éviter les télévisions gigantesques qui rappelaient l’enfer que les détenus avaient endurés. Foutaise, il n’avait pas besoin de voir de ces images pour s’en rappeler. Pire, il les trouvait édulcorées, sales, fades, et il aurait pu hurler face à un de ses écrans pour appeler les passants. « La réalité était pire, ouvrez vos yeux putain ! ». Il détestait les cérémonies de mémoire. Devoir de mémoire, bien sûr. Pour Stan, toutes ces célébrations sonnaient faux. Devoir de mémoire, devoir de culpabilité serait plus juste et moins hypocrite.

Il fourra ses mains tremblantes dans son long manteau noir, réajusta sa musette sur son épaule avec une moue agacée, signa l’armistice avec l’anarchie capillaire sur son crâne. Sortir le mettait mal à l’aise. « Relax » lui disait Tysiphone. « Ta gueule un peu. » répliquait Stan. La pitié croissante de son familier l’agaçait, et tout le monde entier semblait s’être transformé en masse brûlante et informe au fil de ses pas. Il braqua un regard paniqué sur chaque parcelle du Lancovit, où il était pour un « entretien d’embauche » selon sa sœur, s’attendant à voir tomber du ciel une sorte d’obus, une nouvelle bombe, une nouvelle attaque … D’eux. Les Sangraves. Il ne savait plus où se positionner. Il avait trop envie d’éviter de parler de lui pour s’engager publiquement contre les Sangraves, en tant qu’Omoisien, mais sa rancune envers les Gris était tenace. La seule chose qui lui manquait pour s’engager était le courage, la volonté, un peu de ténacité, et un peu de flemme en moins. Avouons le. Faire des meetings et des conférences sur son ressenti d’ancien prisonnier ? Foutaises. Pourquoi ? Le passé était passé après tout.
Quelle phrase toute faite. Me direz vous. Tysiphone rit. Il savait que sa phrase était stupide, et il savait que les furies de femmes étaient constamment là pour descendre les pensées des hommes.
Femme. Femme, problème, amour, Eyleen, merde.

« Tysiphone ferme la je t’en prie. C’est déjà assez dur donc mets la en sourdine. »

Il se fichait de parler à un papillon, il avait besoin d’évacuer cette angoisse. Au diable les bonnes manières en public, jurer à voix haute contre un animal était autorisé dans son monde.
Au loin des discussions s’élevèrent, énervées, indignées. « Bouche  toi les oreilles Stan. » lui disait Tysiphone. Le papillon se prit une seconde insulte et soupira avec un air amusé. « T’es tellement prévisible. »
Drôle de sensation, Eyleen lui disait pareil.
La foule parlait de la commémoration. Trois mois étaient passés entre la libération des otages et …
Une sorte de stress envahit le petit brun. Il retira son keffieh vert en signe d’espoir de respirer, prit de grandes inspirations, se mit à trembler. Tysiphone lui disait de se calmer. Stan l’insultait. Etonnant. La respiration était importante, disait Even, mais Stan s’en fichait. Stan se fiche de tout, basiquement. Il porta sa main à sa gorge pour palper ses veines, tentant d’évaluer son pouls. Il se fichait du nombre de battements par minute il allait obtenir, il savait ce qu’il fallait faire. Se rouler en position fœtale dans un coin, oreilles et yeux fermés et bouchés, se déconnecter de la réalité.

« Ils étaient une cinquantaine.
- Tous jeunes.
- Tous du Splendide.
- C’est affreux.
- N’est -…
- Vos gueules ! »

« Tu es grossier. »

Il ne comptait plus le nombre de foulées il avait fait pour échapper à la réalité. Il se souvenait juste de cette grande rue, qu’il avait vu un nombre incroyable de fois, un nombre à peine quantifiable, pour vous dire. Pour le moment, elle devint un havre de silence. Il se roula en boule dans un coin, contre une poubelle débordant de sacs, ignorant la saleté et la puanteur de cet endroit lugubre, et se replia sur lui-même, tentant de se calmer. Des flashs backs lui revenaient peu à peu. Magister, Sight. Surtout Sight. Il tâtait son nez et la douleur du coup reçu par le Sangrave lui revenait. Il touchait à peine son ventre et en un instant, un genou invisible venait de lui transpercer l’estomac. « T’as besoin d’aide, de quelque chose Stan. » s’inquiétait Tysiphone. Stan serra les dents et murmura une nouvelle insulte. Une aide ? En plus de ces véritables flash-backs, il allait avoir son estime brisé en deux. Quelle aubaine.
Tandis qu’il avait l’impression que ses tempes pulsaient dangereusement, il tremblait. Vous avez déjà eu un cauchemar éveillé ? Un rêve lucide ?
Bienvenue dans cet enfer. Et par-dessus toute honte d’être aussi vulnérable, la sensation de n’être plus le même terrifiait le petit brun.

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Ismaël Mérindol
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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Dim 23 Nov - 1:23

Lorsque la saison froide a décidé de chasser la chaleur, elle ne le fait jamais tout à coup. Son arrivée est d’abord prédite par des signes infimes, que les gens font mine de ne pas voir, mais qui n’en sont pas moins des témoins sûrs de ce qui arrivera par la suite. Tout commence par un souffle frais dans l’après-midi ; puis c’est une lumière moins brillante le matin, plus tenue le soir ; le vent n’est plus une respiration qui balaye la chaleur, c’est une piqûre glacée. Le temps que l’on s’habille plus chaudement, et le givres grimpe comme de la mauvaise herbe sur les murs. C’est un moment de l’année difficile pour les voyageurs sans le sou, ceux qui n’ont pas de maison où s’abriter, parce que le froid les chassera des seuls lieux où la société acceptait qu’ils soient.

Pour l’instant, Ismaël n’avait plus rien à craindre de cette saison, et peut-être n’aurait-il plus jamais rien à craindre d’elle : il avait trente-trois ans désormais, le journal de la ville venait de le payer pour le premier épisode d’un roman-feuilleton, et il resterait quelques mois ici pour le continuer et amasser des économies. De plus, il s’était trouvé une auberge peu chère et douillette qui acceptait les sorceliers et leur familier ; en d’autres termes, il n’avait pas de raison de se faire du soucis. Son familier vit pourtant que des anciens fantômes le tracassaient, et se mit plus près de lui. Ismaël fut tiré de sa rêverie, sourit à son ami, et se força à oublier son passé pour savourer ce qu’il vivait.

Lui et Mephi déambulaient depuis deux heures dans les rues, pour voir les spécificités de ce pays et de cette ville. Puis, comme il le faisait toujours, Ismaël engagea la conversation avec quelques habitants pour savoir quels étaient les dangers qu’ils redoutaient ici. Plusieurs mentionnèrent les bobelles, ces beaux oiseaux qui le soir s’attaquaient aux sorceliers et les vidaient de leur magie. Beaucoup se plaignirent d’une fourmilière de Taormis dans un bois tout proche. Cette fourmilière posait des problèmes parce qu’elle était proche de la route et que les voyageurs et les commerçants se faisaient de plus en plus souvent attaquer.

« Vous n’en n’avez pas vu, vous, en venant ?  lui demanda une passante.

-Non madame, je suis arrivé de l’autre côté de la ville. Comme il n’y en a pas d’où je viens, je ne sais même pas à quoi elles ressemblent ; pourriez-vous me les décrire le plus précisément possible ?

- Ces choses-là sont comme des fourmis, mais avec un corps de souris, c’est terriblement laid. Elles vivent en troupes, se reproduisent à une vitesse incroyable, et posent tellement de problèmes -je me demande bien comment de tels animaux peuvent exister! Que ce n’est plus vivable. Elles font terriblement mal quand elles vous piquent, ce sont des horribles bestioles, vraiment.

-Hum, merci, Bonne journée. »

Ismaël allait réfléchir comment mettre en ordre ces informations quand il entendit une voix derrière lui crier :

« Vos gueules ! »

Le coin de rue dans lequel il se trouvait reliait l’endroit d’où il venait et une grande avenue ; l’auteur  y vit un d’adolescent (d’autant qu’il en pouvait juger par sa stature à cette distance) chanceler, avant de s’accroupir près des poubelles, la tête dans les bras. Plusieurs personnes s’étaient retournées et se demandait qui était cet individu, et ce qu’il voulait. En tout cas il n’avait pas l’air bien.
Ismaël avança et s’agenouilla près de l’inconnu.

« Tout vas bien mon petit ? »

Un coin de visage se découvrit soudain, et Ismaël eut un temps de surprise quand il aperçut le blanc des yeux qui brillaient, relevés par des cernes noirs, et qui lançait des regards fiévreux. Il  ne s’agissait pas d’un adolescent, mais d’un jeune homme d’une vingtaine d’année.

« Il m’a l’air dangereux » dit Mephi dans l’esprit de son ami.

C’était vrai : il ressemblait à ceux qui ont perdu l’esprit et ne se soucie plus de leurs semblables  ; ceux à qui leur esprit tourmenté joue des tours, tours parfois néfaste pour les autres. Mais à le voir ainsi, blotti contre les poubelles, Ismaël se rappela de sa propre condition à son âge, quand il avait quitté sa famille et qu’il n’avait nulle part où aller. Combien de fois n’avait-il pas dormi sous les ponts, combien de fois n’avait-il pas été battu pour avoir cherché des restes dans des poubelles de restaurants ! Une vie terriblement dure, et peut-être cet être vivait-il la même ; qu’il aurait aimé, lui, qu’on lui tende la main ! Et maintenant qu’il n’avait besoin d’aucune aide, allait-il en refuser à ceux qui traversaient ce qu’il avait connu ?

« Je veux l’aider Mephi. On ne peut pas le laisser là, complétement prostré contre des poubelles, avec la nuit qui arrive.

- Si c’est ton souhait,  très bien.

- Tu m’entends? reprit Ismaël à l’adresse du jeune homme.  Tu as une maison ? »

L’autre ne répondit pas, ou l’écrivain ne l’entendit pas. Un vent glacé parcourut l’avenue et fit frissonner l’auteur. Peut-être que le jeune homme avait une famille ; mais enfin, on ne pouvait pas l’attendre indéfiniment et le laisser ici, en pleine rue, à demi-conscient. Ismaël passa son bras gauche derrière le petit brun pour l’empoigner par l’aisselle tandis que la main droite le soutenait devant afin de le relever. De cette manière, il l’emmènerait au chaud dans une taverne, obtiendrait de lui l’adresse de sa maison s’il en avait une et le cas échéant l’y conduirait. Cependant, l’inconnu émit une résistance, et Ismaël fut sur le point de le lâcher. Alors Mephi se plaça derrière lui, et, comme s’il s’agissait de la chose la plus banale du monde, l’assomma d’un coup de patte. Le jeune homme tomba dans les bras du sorcelier qui le rattrapa comme il put.

« M…Mephi !  s’écria l’écrivain interloqué.

-Tu ne pouvais pas l’aider s’il se défendait » répondit laconiquement l’ours.

Avec l’accord de son ami, Ismaël mit l’inconnu sur son dos, et le conduisit à l’auberge. Un petit papillon les suivit tout le trajet, et Ismaël supposa qu’il s’agissait d’un familier, et que le jeune homme était donc un sorcelier. Le tenancier fut surpris de voir son client arriver avec une personne évanouie ; mais Ismaël lui expliqua la situation, et les deux hommes l’installèrent sur le lit du sorcelier.

« Y’ devrait pas traîner dehors, ce petiot-là, avec les bobelles qui traînent ! Et qu’est-ce que c’est que ces jeunes qui se maquillent comme des filles, en plus ! » rouspéta le tavernier.

En effet, ce n’était pas des cernes qu’Ismaël avait aperçu tout à l’heure, mais une épaisse couche de mascara. Cependant, l’écrivain doutait qu’une fille acceptât de se maquiller d’une façon pareil : le résultat était plus provoquant que charmant.

« Bon, j’y vais préparer le dîner moi ! Appelez-moi si le p’tit monsieur il a besoin d’qu’equ’ chose !

-Merci bien M. Gérard.

-‘Faut bien aider ces enfants qui sont tous comme des fétus de paille maintenant ! Il a pas été élevé à la ferme lui, on l’aurait pas laissé s’évanouir comme ça, c’est moi qui vous le dit ! »

Ismaël sourit : il savait que c’était vrai. L’aubergiste eut un gros rire et reparti au rez-de-chaussée, où se trouvait la salle commune et la cuisine. Ismaël se mit à son bureau, et travailla sur son guide d’AutreMonde.

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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Mer 26 Nov - 17:24



Il n’avait que de vagues souvenirs.
Il y avait ces gens agaçants, cette rue étrange, puis ce type avec un ours. S’il n’avait pas été Autremondien, Stan se serait attardé sur ce point. Peu de ses connaissances avaient des familiers, et en général c’était de petits animaux comme des rats, pour Hysteria, ou des chats. Pour sa part, il avait battu tous ses amis en terme d’ergonomie, il avait eu un papillon, aussi ridicule que ça pouvait l’être. Depuis, il se contentait de mépriser et détester viscéralement Tysiphone, même s’il savait que ce choix du destin n’était pas anodin. Le destin s’amusait, de temps en temps, avec un sens profond, mais pitoyable. On lui avait parlé, de maisons, et de santé, je crois. Il avait senti un contact mais l’avait repoussé, trop effrayé du monde entier pour accepter l’aide d’autrui. Finalement, il avait décidé de rester seul et tremblant au milieu de ce tas d’ordures, quitte à paraître plus ridicule qu’il ne l’était déjà.
C’était sans compter sur « le coup ».

En une fraction de seconde, son esprit ne réagissait plus et il était dans un état de semi conscience assez étrange. Il avait l’impression d’être dans une boîte entourée de film plastique, sans aucune façon de parler au monde extérieur. On parlait autour de lui mais tout résonnait. Peu à peu, les murs devenaient de plus en plus opaques, solides. Bientôt, il n’eut aucun contact avec le « monde ». Quelques secondes semblaient passer dans son esprit. C’était néanmoins une simple impression mensongère et un jeu de son esprit. Encore.
Quand il se réveillait, il ne savait pas s’il était sous son lit ou au dessus de son lit. Rectification : il n’était pas dans son lit. Stan était dans l’impossibilité de définir le plafond du sol, et à part se laisser glisser quelques centimètres sur sa gauche, il ne savait pas comment reprendre ses repères géographiques. C’était une drôle d’impression, croyez moi. L’odeur de l’endroit était inhabituelle, pas déplaisante. Stan définissait cette odeur de chaleur humaine, ce mélange d’alcool et de bois, avec cette « odeur de joie » qui définissait le bonheur des hommes. Sans vraiment comprendre ce qu’il lui arrivait, il se contentait de faire voguer ses yeux de droite à gauche. Une vive douleur lui torturait le crâne et il serra les dents pour l’anesthésier. « Tu t’es pris un sacré coup » dit Tysiphone. « Tu devrais voir ta gueule mon vieux, t’as l’air encore plus ridicule que d’habitude. » Il ne savait plus s’il avait  réellement à se défendre. Tysiphone avait plus ou moins raison, dans ce qu’elle disait. Au lieu d’user de répartie, Stan préféra lui demander où il était, dans quelles circonstances il était arrivé ici, pourquoi, dans quel but, qui ? Un stress l’envahit soudainement. Avait – il encore été enlevé ? En l’espace d’une seconde, il sentait son estomac devenir une gigantesque barre de fer, lui transpercer le ventre, lui taquiner le cœur pour rendre sa gorge douloureuse, sa respiration insuffisante.
Il se redressa d’un coup, haletant.

« Qu’est – ce que je fous ici ? »

Ses muscles pulsaient à nouveau et Tysiphone préférait s’éloigner. Elle savait pertinemment que son compagnon d’âme était une sorte de furie de base, impulsif et colérique. Depuis l’épisode des Sangraves, chaque bouleversement dans sa vie détruisait le faible équilibre qu’il s’efforçait à reconstruire. Décidément, sa vie n’était qu’un château de cartes construit de biscottes trempées.

« Relâchez moi … Relâchez moi je vous en prie ! Qu’est – ce que je fous là putain ? Qu’est – ce … Vous êtes qui ? Qui êtes vous ? Répondez moi, lâchez moi ! »

Stan jetait des regards apeurés autour de lui. La salle avait des murs en bois, avec une aura plutôt agréable. Il rentra son pouce dans sa main, par pure habitude. Il avait lu dans un de ses livres de spiritualité que l’esprit humain était fait d’automatisme qui le calmait. Il avait réussi à déclencher quelques habitudes pour se structurer. En quelques instants, il sentait sa respiration se calmer et son estomac devenait un organe, et plus une boule personnifiant son stress. « Tu as l’art de te sociabiliser Stan. » Parfois, il avait l’impression que Tysiphone était la voix de sa conscience. Je vous jure, c’était très déstabilisant comme ressenti. Une fois de plus, il décidait d’écouter la sagesse du misérable insecte. Le petit brun se calma complètement, tentant de se contrôler pour ne pas repenser à Sight, et passa sa main sur son crâne. Il avait mal quand il appuyait, et il n’allait pas s’étonner de voir une bosse jaillir de sa tête d’ici peu de jours. Tant pis, disait l’autre.

« Vous m’avez frappé ? »

Belle façon d’accoster celui qui lui avait sauvé la peau, bravo Stan. Il se reprit et chercha du regard un détail qui pouvait détourner la conversation vers quelque chose de plus positif. Le bureau, oui. En général, les bureaux reflétaient les personnes. Une nouvelle fois, il l’avait lu dans un de ses bouquins, joie et bonheur. L’inconnu écrivait, et Stan se sentit piqué de curiosité. Il tenta de lever de son lit mais ses muscles moteurs étaient encore tétanisés. Tant pis, encore.

« … Oh … Vous écrivez ? » Petite tentative d’approche timide, mais positive, allez. « Merci de m’avoir sorti de là. C’était … Sympathique. » Nouveau regard circulaire. « Et désolé de vous avoir gueuler dessus. C’est pas sympathique, ça, par contre. »

On avait même le droit à des réflexions sur la morale, félicitations Stan, tu t’améliores. Par habitude, il se frotta les yeux et ses doigts furent couvert de noir. Il soupira : ses cernes d'insomniaque devaient être appuyés par tout cet artifice, et ça l'amusait. Malgré tout, il avait toujours cette envie de provoquer. Ses actions n’étaient pas esthétiques, car Stan le savait désespérément : Il n’était pas beau, avec des artifices ou sans d’ailleurs. Il avait cette mâchoire trop carrée, ces yeux trop éteints, cette tête de chien battu tout le temps, de looser qui hurle malgré tout. Il n’était pas beau, du tout. Trop chétif pour être impressionnant et trop petit pour être respectable. A défaut d’être beau, il voulait être provoquant et marquer les esprits. Autant provoquer et mélanger les sexes, c’était plus amusant. Se peindre sur la figure, c’était amusant.
Après tout.

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Ismaël Mérindol
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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Jeu 27 Nov - 18:55

Lorsqu’Ismaël écrit, il observe toujours plusieurs étapes dans sa pensée : d’abord, le soupir de commencer un travail, le petit effort, et même la petite douleur qui met le cerveau en marche, et que la fainéantise craint au point de préférer ne rien accomplir. Puis, la lente marche de l’esprit qui réfléchit, qui se penche sur l’objet de son étude, et qui adopte un rythme lent, comme les premiers mouvements des roues d’un train, les respirations essoufflées d’une locomotive qui démarre. Cependant, sans qu’il s’en rende tout à fait compte, ses idées deviennent bientôt plus légères, plus spontanées, et il ne se force plus pour réfléchir ; au contraire, il ne peut plus s’arrêter, et non seulement ses réflexions ne lui donnent aucune peine et sont mieux construites, mais elles lui procurent même un certain plaisir, il peut écrire ou retravailler ce qu’il a écrit des heures durant, c’est à ce moment qu’il vit véritablement, parce que c’est à ce moment qu’il pense. Le monde superficiel, celui rempli de contraintes qui n’apportent rien –manger, boire, se rendre chez telle personne, allez à tel endroit- s’est effacé. Seul reste l’essentiel : les Idées.

Comme toujours à cette heure, Ismaël évoluait au milieu de ses idées, les saisissaient pour les transformer en constructions qu’il couchait sur sa page. Il pensait : «  ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » et des structures d’une simplicité étudiées prenaient forme pour remplir sa feuille blanche. Il pensait: « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » et le moindre mot qui accrochait la pensée, qui dérangeait le raisonnement, disparaissait, remplacé par un mot net, une phrase lisse, un texte achevé.

Pourtant, parmi les phrases qu’il concevait et rectifiait sans cesse, il en aperçu une différente des autres, qui ne concernait pas son Guide d’Autremonde ; qui n’était pas carrée ; qui n’était pas de lui. Avec surprise, Ismaël se sentit tiré hors de ses pensées, les structures, les constructions et les édifices s’envolèrent pour laisser place au monde jaloux d’avoir été jusqu’ici ignoré.
L’écrivain était devant son bureau. Des feuilles de notes éparpillées le constellaient, couronnant le manuscrit qui se trouvait au centre. Et derrière lui, quelqu’un s’était exclamé :

« Qu’est-ce que je fous ici ? »

La rue ! Les poubelles ! L’adolescent !  Tout cela lui était sorti de la tête !

Le chétif jeune homme regardait autour de lui avec angoisse, la respiration haletante, comme prêt à s’enfuir à l’instant, même s’il ne s’était pas encore levé de son lit. Ismaël se leva brusquement pour le retenir et fit tomber sa chaise. La précipitation de l’auteur dû effrayer d’autant plus l’étrange inconnu, qui se débattit en criant :

« Relâchez-moi … Relâchez-moi je vous en prie ! Qu’est-ce que je fous-là putain ? Qu’est-ce … Vous êtes qui ? Qui êtes-vous ? Répondez-moi, lâchez-moi !

-Du calme, du calme ! » répondit Ismaël sans réussir à se faire entendre. Comme il n’était pas très musclé et affaibli, il réussit à lui saisir les épaules pour l’empêcher de bouger et qu’il l’écoute.

« Tu n’es le prisonnier de personne ! Je t’ai amené ici parce que tu n’étais pas bien, que la nuit allait tomber et qu’il allait faire froid. Tu comprends ? Tu n’as rien à craindre ! (ces paroles eurent un certain effet sur le jeune homme qui cessa de se défendre, et l’écrivain le lâcha.) Je m’appelle Ismaël Mérindol, et derrière toi se trouve Mephi, mon familier. Nous sommes des voyageurs itinérants. Tu te trouves dans l’auberge de la Cervoise Dorée, si cela te dit quelque chose. »

L'autre sorcelier s’écarta pour observer encore une fois le décor autour de lui. La chambre était d’un bois clair et luisant, nettoyé récemment. A côté de la porte se trouvait un portemanteau, qui gardait les effets du  jeune homme et de l’auteur ; contre le mur de droite un bureau, une chaise. De l’autre côté, une fenêtre couverte de givre était encadrée par deux petits rideaux de laine rouge à motif blanc. Au-dessous, Mephi était assis, le dos voûté, plongé dans la lecture d’un traité de mathématique. Il avait levé le nez quand l’adolescent avait repris connaissance et avait paniqué, mais n’était pas intervenu, car sa stature massive aurait pu aggraver la situation. Le calme revenu il ne s’était plus préoccupé de l’étranger et avait poursuivi son étude. Le jeune sorcelier considéra l’espace, et Ismaël vit qu’il rentrait son pouce dans sa main. Il passa l’autre sur sa tête, puis d’une voix plus calme, demanda :

«  Vous m’avez frappé ? »

Ah.
« Hum, comment dire… ? »
Oui, comment dire en effet qu’on l’a effectivement frappé d’une façon tout à fait volontaire.
« Comme tu te débattais… »
Mephi a cru bon de t’assommer, jeune homme inoffensif et craintif. Imparable comme explication n’est-ce pas ?
« Mon familier a voulu te retenir et t’as frappé à la tête. »
Ou du moins ç’aurait plus simple si ça avait été le cas.

Maintenant que son invité (si l’on pouvait dire) était calme, Ismaël se donna la peine de l’observer plus attentivement. En plus d’être assez frêle, il était d’assez petite taille pour son âge. Ses cheveux avaient paru d’un noir d’encre à l’écrivain quand il l’avait trouvé dans la rue, mais maintenant qu’il pouvait l’examiner à la lumière électrique, il remarquait des reflets bruns qui courraient le long de ses mèches. Sa coupe désordonnée et son mascara lui donnaient encore un air un peu agressif, malgré le ton de voix et l’attitude plus posés qu’il avait adopté. Quel âge pouvait-il avoir ? vingt-trois ans ? Sa taille le faisait paraître plus jeune et son visage plus vieux. Vingt-quatre, peut-être… ? Et surtout qui était-il, et qu’avait-il pu lui arriver ?

« … Oh … Vous écrivez ? »
Le petit avait fixé son regard sur le bureau et avait deviné le désordre.

« Hum, oui, un peu. » laissa tomber Ismaël sans décrocher son regard du jeune sorcelier. Ce dernier n’avait cessé de détailler l’endroit, et repris après une respiration :

«Merci de m’avoir sorti de là. C’était … Sympathique. Et désolé de vous avoir gueuler dessus. C’est pas sympathique, ça, par contre. »

« Bah, oublions ça » répondit d’une voix un peu bourru Ismaël.

Mme. Gérard entra à ce moment-là avec trois soupes chaudes sur un plateau, accompagné de pain et de fromage. L’écrivain se retourna, la remercia pour sa gentillesse, même s’il se doutait (sans que cela exlua l’altruisme de la tenancière) qu’elle avait tenu à apporter le plateau afin que celui lui donnât une raison de voir à quoi ressemblait le jeune homme, et que sa curiosité fusse satisfaite. Elle lança un regard bienveillant au petit, puis reparti après leur avoir souhaité un bon repas.

« Reste allongé, tu as besoin de repos » fit Ismaël en ramenant l’unique chaise devant le lit. Il  tendit son bol de bouillon à son petit protégé et lui laissa en boire quelques gorgées. A la vérité, l’écrivain ignorait l’état de santé de l’inconnu, et par conséquent « tu as besoin de repos » n’avait été qu’une simple formule pour justifier le « reste allongé ». A son âge, Ismaël aurait sûrement remercié son sauveur mais il se serait méfié et aurait voulu partir. Or, il ne pouvait laisser partir celui qu’il avait en face de lui sans avoir quelques réponses.

« Comment t’appelles-tu mon petit ? Tu as des parents ? Une maison ? Que t’est-il arrivé tout à l’heure, dans la rue ? »

Afin de prendre un air détendu, Ismaël bu un peu du potage. Mephi souleva son corps massive et à quatre pattes vint chercher son repas, qu’il bu d’une traite, avant de revenir à sa place.

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Dernière édition par Ismaël Mérindol le Mar 30 Déc - 14:50, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Sam 29 Nov - 21:17



Ismäel Mérindol et Mephi l’ours, voyageurs itinérants. Intéressant. Stan hocha la tête et nota cette information dans un coin de sa tête. Il apprit également qu’il s’était fait assommé par un ours et il eut un rictus nerveux. Cette aventure lui aurait permit d’accueillir une curieuse anecdote dans son carnet à malchances. Stan était souvent assommé par des choses étranges, une tête d’un homme politique par cette mystérieuse cliente à son ancien travail, par le poing d’un Sangrave, par son (ex-petite) copine, sachant que leur relation était calamiteuse. Se faire assommer par la patte d’un ours lui paraissait tout à fait banal, et il préférait rentrer ça dans la zone « anecdotes étranges » de sa tête. Qui sait, il en aura peut – être besoin un jour … Au cas où il souhaitait faire une biographie de lui-même par pur égocentrisme.
Beaucoup vivaient en vendant leurs vies, par narcissisme, ou pour pomper l’attention de ménagères ennuyées. Il avait entendu dire que cette tendance n’était pas qu’Autremondienne, et que même la Terre entière avait ce genre de bouquin qui sortait. Amis de la bonne littérature, ne soyez pas blessés, le sexe et le pouvoir fait vendre chers concitoyens.

Stan sursauta quand la porte s’ouvrit et crut voir toutes ses bulles de pensées éclater en même temps que l’interruption d’une femme. Elle apportait un plateau-repas, adressa un regard que Stan détermina comme sympathique, et ferma la porte.

« Comment t’appelles-tu mon petit ? Tu as des parents ? Une maison ? Que t’est-il arrivé tout à l’heure, dans la rue ? »

Et doux Jésus, pourquoi l’appelait – il « mon petit » ? Il se frotta une nouvelle fois les yeux et tira ce genre de petite mine consternée. « T’as l’air d’un adolescent en pleine crise Stan avec toute ta peinture sur la tronche. » Tysiphone n’avait pas tort, et Stan le savait pertinemment. Sinon, pourquoi le ferait – il ? Puis Eyleen disait que ça lui allait bien et … D’accord, il allait cesser cette pratique du jour au lendemain si ça plaisait à Eyleen. Il s’étira discrètement, inclinant ses épaules d’une manière tout à fait perturbante pour tout être humain qui se respecte et jeta sa tête en arrière, exposant son cou au reste de la population. Il se fichait bien de répondre à ses questions, car il n’était pas pet… Si. Il l’était physiquement, avouons le. Avec son petit mètre soixante sept, en trois ans il n’avait pas grandi et il se soumettait aux dires de sa sœur. « T’as fini ta croissance » disait – elle. « Va te faire foutre tu fais deux centimètres de moins que moi » disait – il. Belle fratrie en perspective mes amis.

« On m’appelle pas, aha. »

Tysiphone soupira son âme entière dans la tête du petit brun. « Tu es ridicule. » Que de positivisme, voyez vous. Pour Stan, le nom avait une importance particulière, c’était l’identité d’une personne, quand même. Tandis que le papillon l’insultait, il se tenait sur ses positions. Par pur esprit de contradiction. Eh ouais.

« J’ai une sœur, pas de parents. Je vis seul en fait. Avec ma sœur. Puis une ex copine, Levy de son petit nom. Et une SDF de 10 ans que j’ai repêché dans la rue, KEY qu'elle s'appelle, drôle de nom je te l'accorde. Oh. Et ce type qui vient de temps en temps, c’est mon meilleur ami je crois. Ouais. Billie qu’il s’appelle, c’est bien ça. Oh, et j’habite avec ma cousine aussi. Mais il parait qu’elle est morte dans un attentat aha … » Il leva les yeux au ciel. Il haissait ce mot. Attentat. Trop de T. « Puis avec un ami handicapé et sa fille, Even et Helen. Et leurs familiers. On habite dans un loft rénové de quelques mètres carré. On a une chambre nuptiale pour ceux qui veulent s’amuser, c’est tout. Le reste dort dans le salon sur des couchages. On vit un peu à la guerre comme à la guerre, mais crois moi on s’amuse. C’est un peu la maison de toute la rue. On ferme jamais la porte, on croit en l’humanité. »

Pendant cette description de sa demeure, il remarquait qu’il était réellement confiant face à la vie. Il partait du principe que si un cambrioleur voulait venir, il cassait la petite fenêtre qui donnait sur la rue penchée et il entra facilement. Ils dormaient tous au rez de chaussée, face à la mezzanine. Si quelqu’un voulait entrer, ils allaient l’entendre, puis ils étaient trop nombreux pour être souciant après tout.

« Tu peux venir si tu veux. Un de plus un de moins. On aime assez lire, on pourrait t’aider dans … Ce que tu fais. » fit – il en pointant du menton son bureau. « Sérieusement, on a une gigantesque bibliothèque, avec toutes sortes de livres. Chacun a son genre préféré. »

Cette proposition faite, il réfléchit comment détourner son ultime et dernière question. L’ignorer serait trop impoli et son arrogance avait des limites. Quand même. Il leva les yeux au ciel pour prendre cet air songeur. « Dis la vérité, il a le droit de savoir quand même il t’a bien sauvé la peau là. » Bien sûr Tysiphone, bien sûr.

« Petit stress. J’aime pas la circulation, surtout en moment de commémoration. Les cortèges avec les fanfares m’effraient, je supporte vraiment pas. Encore une fois c'était très aimable à vous de m'aider, et la propriétaire, si c'était bien elle qui est venue tout à l'heure, me parait gentille. Vous la remercierez si je n'ai pas l'occasion de le faire. »

Il n’avait pas fait qu’un semi mensonge après tout. Il n’appréciait pas les commémorations car il les trouvait trop superficielles et fausses, entrant dans un vague devoir de mémoire. Pour Stan, la mémoire n’était pas un devoir mais quelque chose de naturel, et le mot devoir engageait trop d’obligation dans l’esprit du jeune homme. Il ne manquait plus qu’on s’oblige à se souvenir des héros qui ont risqués leur vie pour un nouvel échec des Sangraves. Et puis quoi encore.

Il attrapa un morceau de pain et le mangea doucement, l’air pensif, la conscience tourmentée. Il entendait les chants de l’auberge, les rires et les vapeurs d’alcool lui donnait envie en le dégoûtant. C’était cette ambiance qui lui manquait. Il voulait retrouver son Loft, et ne plus rester coincer au Lancovit pour une recherche d’emploi. Il avait peu de qualification mais était certain qu’il pouvait apprendre sur le tas. A défaut d’être entrainé il assimilait les nouvelles compétences rapidement.
Au bout de sa vingt septième année, il avait fini de bloquer sur des points.
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Ismaël Mérindol
Ismaël Mérindol





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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Jeu 11 Déc - 15:33

En entendant le jeune homme répondre, Ismaël fronça les sourcils : son interlocuteur refusait de dire son nom mais détaillait ses relations ! Le tout avec un ton un peu impertinent qui ne plut pas beaucoup à l’écrivain. Néanmoins, derrière les paroles cyniques se cachaient des accents d’authenticité qui laissèrent le trentenaire perplexe. Quand plus tard il en parla avec Mephi, celui-ci lui répondit que c’était une façon de s’exprimer fréquente chez les citadins de moins de quarante ans, et qu’il avait de nombreuses fois observé. Contrairement à Ismaël, il n’y voyait pas un signe d’irrespect, mais plutôt un mode de communication fondé sur d’autres codes, comme un ornithologue différencierait le cri du canard de celui de l’alouette, sans émettre de jugement de valeur. Même s’il savait que cette perception des choses était plus objective que la sienne, Ismaël ne parvenait pas à l’intérioriser, encore marqué par la politesse et le respect des aînés qu’on lui avait inculqué enfant, et qui était encore d’usage dans les campagnes. Ainsi, ce choc de deux cultures le déstabilisa quelque peu, d’autant plus qu’ensuite le jeune homme lui offrit tout de go de vivre chez lui.

« Non merci, répondit Ismaël ; j’ai besoin de calme pour mon travail, et après avoir étudié de longues heures, je deviens quelque peu… Taciturne. »

Il vit du coin de l’œil Mephi qui hocha vaguement la tête, comme si cette derrière phrase lui rappelait une ou deux anecdotes.

« Il est trop tard pour sortir maintenant. Reste ici pour cette nuit, je te raccompagnerai chez toi demain. »

L’inconnu dormi dans le lit, et Ismaël contre Mephi, comme au bon vieux temps. Le lendemain matin ils se réveillèrent de bonne heure –dès sept heure du matin le couple de tenanciers estimaient que le jour était levé et s’invectivaient d’un bout à l’autre de leur auberge-, déjeunèrent avant de rentrer dans le loft. Pendant la marche, Ismaël ne put s’empêcher de fixer le petit papillon qui virevoltait dans l’air glacé. Quel familier inattendu pour un sorcelier déjà si… Surprenant ! Ce dernier ne semblait pas d’ailleurs avoir beaucoup d’affection pour l’insecte, puisque les seuls regards qui lui jetaient était rempli de contrariété.  En tournant la tête, Ismaël croisa le regard de Mephi, et sans se parler ils comprirent ce que l’autre pensait : Vraiment, quelle bizarre association !

Pour discuter, Ismaël demanda au jeune homme dans quelle rue se trouvait sa maison, et ne retint pas un mouvement de surprise quand il apprit qu’elle se trouvait à Tingapour : cette ville était à l’autre bout du monde ! Pourtant, son compagnon ne semblait pas s’en soucier, et le mena à la Grand’place où s’était regroupé un certain nombre de personne. Des sorceliers (ou du moins tout portait à croire que s’en était, à cause des animaux aux yeux dorés qui étaient auprès d’eux) encerclaient la foule ; et les deux groupes discutaient pacifiquement l’un avec l’autre,  en attendant que quelque chose se produise.  Comme Ismaël et le jeune homme s’approchait (comment pouvait-il s’appeler ? un nom d’aristocrate peut-être ; William ? Edward ? Mephi penchait pour un prénom plus « dans le vent » à Autremonde, venu des Etats-Unis,  comme Aaron, ou Ian.) un des sorceliers en uniforme leur décocha un sourire goguenard, soit que ce soit sa manière de sourire  à des passants, soit qu’il connu le pseudo-Aaron.

« Vous allez à Tingapour ? Trente pièces d’argent ! » lança-t-il, sûrement sans avoir d’autre choix que de crier, vu l’imposante mâchoire dont il disposait.

-Pardon ?

-Eh bien, vous voulez être téléporté à Tingapour oui ou non ? Si oui, c’est trente pièces d’argent ! Par personne ! »

A ce moment-là, un petit gros monsieur en costume vert melon et avec un chapeau à plume apparu. Ismaël le reconnu tout de suite : c’était le patron du journal Le Passeur d’Intrigue pour lequel il écrivait le roman-feuilleton. Ses salariés l’adoraient et l’avait surnommé M. Voltaire, parce qu’il était féru de littérature, auquel il réservait une grande place dans chacun des numéros de son journal, et qu’il ne se retenait jamais pour faire un trait d’humour.
« Georges, comment vas ta mère ? demanda M. Voltaire au sorcelier en uniforme, lequel marmonna une brève réponse. Tant mieux, tant mieux ! continua M. Voltaire, qui ajouta tout de suite après : ne voudrais-tu pas laisser passer ces deux personnes-là, ils sont de mes amis ; et l’ours aussi, bien sûr ! Tu serais formidable ! Et puis, tu viendras au bureau lundi, tu demanderas à me voir, et je jetterai un coup d’œil aux derniers brouillons que tu as fait ; marché conclu ? Parfait ! » M. Voltaire saisit la main de son interlocuteur pour la serrer vigoureusement, puis entraîna Ismaël et son protégé dans la foule.

« Alors M. Mérindol, comment allez-vous ? J’espère que vous n’êtes pas en retard dans vos essais, je les attends avec impatience !

- Tout est déjà fini. Qui était ce sorcelier ? Un autre écrivain du Passeur ?

-Au non, heureusement, il écrit comme un pied ! s’exclama M. Voltaire d’un ton jovial. Nous sommes bons amis avec sa mère. Quand j’ai besoin d’un service, je lui promets de regarder ce qu’il griffonne, et c’est toujours tellement mauvais que je dois lui expliquer que c’est invendable. Et ce sorcelier-là, qui est-ce ? dit le patron du journal. Vous êtes aussi écrivain mon grand ? (en effet, si le jeune homme était petit, M. Voltaire, était plus petit encore et devait lever les yeux pour lui parler) J’espère au moins que vous lisez souvent, c’est essentiel ! On dit toujours la vie est un roman ; mais moi je vais vous dire,  c’est les romans qui sont la vie. La vie, ce n’est pas voleter de-ci de-là, aller dans les salons. Notre vie, ce que nous sommes, c’est l’intellect, et c’est par notre intellect qu’on construit notre identité. C’est en lisant qu’on vie, monsieur ! Et c’est en écrivant qu’on laisse un peu de soi dans le monde. Les gens veulent laisser une trace de leur passage dans ce monde, alors ils font des enfants ; mais ceux qui laisseront une trace sont ceux qui aurons fait un roman. Je ne dis pas forcément des romans ; un roman qu’on écrit toute sa vie durant, c’est un roman qui restera. Alors lisez, mon grand, et réfléchissez-y a deux fois quand vous avez le choix entre une fête et un livre, afin de vous assurer que vous prenez la bonne décision. On a qu’une vie, et on ne se construit qu’une fois. Et si vous ne savez pas par quoi commencer, lisez Le Passeur d’Intrigue, je me tiens garant de sa qualité ! » fini M. Voltaire avec un rire.

« c’est son journal » souffla Ismaël au jeune homme, afin qu’il comprenne le trait d’esprit.

Un murmure parcouru la foule. Les sorceliers avaient commencé à réciter une incantation ; le paysage trembla comme s’il s’agissait d’une feuille de papier qu’on agitait, devint floue, disparu tout à fait, remplacé par une autre ville, un autre lieu : Tingapour, à Omois.

***
Ismaël avait pris l’habitude d’aller au loft toutes les semaines maintenant, le vendredi, parce que c’était le jour où le patron du Passeur d’Intrigue se rendait à Omois, et qu’ainsi il ne payait jamais les trente pièces d’argent. Après avoir raccompagné le jeune homme chez lui, Ismaël pensa qu’il n’y retournerait plus. Mais le début de son roman-feuilleton n’eut pas un très bon succès, et M. Voltaire lui intima de se confronter à ses lecteurs, c’est-à-dire d’aborder n’importe qui dans la rue et de lui demander pourquoi il n’aimait pas ce roman-feuilleton. Ismaël préféra s’abstenir, mais il décida par contre d’aller à Tingapour voir le jeune homme et de lui demander son avis, à lui et à ses nombreux colocataires. Leurs conseils furent précieux, il revint avec d’autres brouillons, et par la suite, ses écrits eurent un bien plus grand succès. Le roman s’appelait Gurvann Aile-Dairain, et retraçait  l’histoire d’un jeune elfe de ce nom qui découvrait le monde des humains et commentait leur mœurs. L’humour était léger, parfois galant, parfois mordant ; et l’air de rien, au travers du personnage de l’ingénu jeune homme, l’auteur recensait les failles de la société. Les jeunes gens appréciaient l’idée du noble banni à cause d’une injustice et qui se fait sa place dans la société, tandis que les hommes mûrs aimaient à retrouver derrière l’implicite des vérités cachées.

Au cours de ses visites, Ismaël apprit que son jeune ami s’appelait Stanley, et qu’il avait désormais vingt-sept ans. Vingt-sept ans ! Sept ans de moins que lui ! Lui qui avait imaginé qu’une quinzaine années les séparaient ! Quelques paroles échappées au garçon ou à ses colocataires laissèrent supposer qu’un événement avait marqué profondément le jeune homme. En en discutant avec l’ours, Ismaël et lui purent reconnaître des symptômes de cette blessure qui le hantait : comme des mots, des phrases sur l’impératrice assassinée, sur les Sangraves, le faisaient tiquer ; la façon dont il détournait la conversation quand on abordait certains sujets, tel que ça avait déjà été le cas dans l’auberge ; et puis, bien sûr, sa détestation des cérémonies qui rappelaient les crimes des robes grises.

Après plusieurs mois, Ismaël avait fini par se lier d’amitié avec Stanley, et délaissait vite les brouillons qu’il avait apportés pour lui discuter avec lui. C’était un jeune homme vif, parfois un peu trop insolent, mais pas méchant dans le fond.

Un soir de janvier, Ismaël passa un peu à l’improviste pour fêter le succès de Gurvann, qui était maintenant devenu le roman-feuilleton le plus lu du Passeur. Seul Stanley était resté au loft ; ils s’installèrent dans le salon sur des canapés dépliants, afin d’être tranquilles tandis qu’ils parleraient. Après le froid de l’extérieur, le loft faisait l’effet d’un refuge confortable. Les affaires éparpillées un peu partout dans la pièce laissaient supposer à la personne de passage que cette maison comptait de plus nombreux colocataires que ce qu’avait escompté l’architecte qui l’avait construite, et l’on pouvait deviner que certains dormaient dans la pièce à vivre. Mais ce n’aurait pas été la seule surprise de l’ingénieur en charge de la maison, s’il avait pu la voir telle qu’elle était devenue : ici et là, un clou planté, un bois d’une couleur différente, trahissait une bâtisse qui était tombée en désuétude, puis qui avait été reconstruite.  Selon toute probabilité, la construction originale avait été un lieu luxueux pour un locataire bourgeois : il en restait l’espace, la qualité du plancher, et la coquette mezzanine. Mais à présent, aucun tableaux ne décoraient plus les lieux, ni aucun tapis ; à la place, des vieux vinyles étaient accrochés aux murs, et des vêtements traînaient par terre.

Ismaël montra tout d’abord ses brouillons et le plan de son récit, afin que son ami lui donne son point de vue. Quand ce travail fut fini, ils prirent chacun une bière et discutèrent de tout et de rien. L’écrivain laissa d’abord la conversation rouler au hasard, puis, la fit glisser doucement sur les dangers qui existaient dans le monde.

« C’est ce que je veux recenser dans mon livre, celui que tu as vu à l’auberge, quand je t’avais récupéré. Cela éviterait des ennuis à bien des gens. Mais, vois-tu, il y a un danger dont je ne connais pas beaucoup de chose…Les sangraves »

Il fit une pause, pour boire une gorgée de bière, puis posa son verre sur le guéridon près de lui, avant de fixer Stanley dans les yeux.

« Pas comme toi, n’est-ce pas ? J’ai l’impression que tu me caches quelque chose à ce propos ; mais peut-être que je me trompe, après tout. Est-ce que je me trompe ? »

L’attaque était un peu brusque, vu qu’Ismaël et Stanley ne se connaissaient que depuis peu de mois. Mais l’écrivain avait pris en affection celui qu’il avait secouru, et n’aimait pas bien sentir un secret planer ; il avait préféré percer le mystère d’un coup plus tôt que d’essayer de le découvrir petit à petit, au risque d’une déconvenue.
Spoiler:


Dernière édition par Ismaël Mérindol le Mar 30 Déc - 14:49, édité 2 fois
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Stanley A. Dyson
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COME TOGETHER FOR LUCIFER'S SON !

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Par Le Revelus :
Accréditation:
Moi et les autres Autremondiens:

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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Lun 22 Déc - 13:52


Stan esquissa un léger sourire lorsqu’Ismäel sous entendit que le loft était bruyant. Bruyant ? Il hésitait à répondre que le loft ne pouvait pas être bruyant, car souvent vide la journée. Faith partait en excursion pour ses photos, et lorsqu’elle faisait de l’urbex, Stan la suivait volontiers, servant de porte sac ou de monte barrière. Non, le loft n’était pas bruyant. C’était un cocon où chaque être humain se sentait à sa place, où malgré sa petite taille chacun se sentait dans sa bulle d’intimité. Stan ne saurait pas décrire sa propre maison en un mot, si ce n’est qu’une gigantesque chrysalide, remplie d’êtres humains unis dans un seul but : l’évolution et l’éclairement spirituel.
Cette description lui plaisait.
Au final on lui proposa de passer une nuit ici et le jeune homme tira une moue déçue au final. Plus que tout, il avait un mal fou à dormir chez les autres. Il ne savait pas pourquoi, il avait besoin d’être à l’aise pour dormir, et c’était quelque chose d’introuvable autre part que chez lui. Oui, sinon, il était un peu chiant sur les bords le bonhomme. Le lendemain, ils déjeunèrent, et inutile de préciser que Stan n’était pas habitué aux réveils tôt. Son long « congé forcé » l’avait poussé à s’enfoncer au fond de son lit, puisque la nuit, il ne dormait pas. Il n’arrivait pas, son cerveau allait trop vite, ou ses pensées étaient plus fructueuses la nuit. Le soir tombé, il se découvrait une passion pour les lectures inhabituelles, et c’est à ces moments là que les livres de Marlène Tissot, rapportés joyeusement par Faith car « Regarde ! Kick my Ass édition ! C’est du n’importe quoi ! » c’est du surréalisme, très chère, pensait – il tout bas.
Il s’était prit d’amour pour cette auteure, qui hurlait ouvertement qu’elle « emmerdait les fins de moi difficiles », qu’elle « emmerdait l’équitation, on ne galope pas très loin en étant à cheval pour ses principes ». Et Stan dans tout ça ? Stan ? Il buvait ses mots. Si bien qu’il se promenait toujours désormais avec son magnifique « J’emmerde » en guise de spray anti stress, spray anti déprime, spray anti connerie. C’était sa marque de fabrique, sa bulle d’air dans la pollution du Lancovit.

Il redescendit sur T… Autremonde et vit Tysiphone qui s’acharnait à combattre le courant d’air glacial. Il ne put s’empêcher de rire avec une pointe d’amertume et de dédain. Au grand jamais un rat n’aurait eu cette réaction. Au grand jamais un rat l’aurait décrit aussi parfaitement qu’un papillon. Un insecte misérable suffisamment optimiste pour avoir des ailes, un ailé suffisamment éphémère pour mourir dans sa première journée. De manière biologique, Tysiphone le représentait, de manière spirituelle, elle était sa définition. Pour ces deux raisons, il s’était mit d’accord avec sa raison : il la haïrait pour oser prétendre être sa conscience. Et puis quoi encore. Une fois de plus, Stan s’était plongé dans son monde de pensées, et il n’avait plus aucun lien avec le monde extérieur. C’était d’ailleurs pour ça qu’il décrivait peu les bâtiments dans sa pensée. Sinon, il était trop mathématique, trop architecte.

« Vous allez à Tingapour ? Trente pièces d’argent ! »

Il sursauta, puis tira sur sa chemise pour se donner un air plus digne.  Pourquoi cette personne hurlait ? D’ailleurs à quoi bon hurler ? « Aquoiboniste. » Oui oui Tysiphone. Il avait oublié d’être bête. Une discussion s’ensuit entre Ismaël et un autre homme, plus petit que Stan. Ce dernier fut étonné de ce détail, se surprenant à regarder quelqu’un de haut. Il ne sut pas si l’émotion lui montait aux yeux ou autres, mais son estime montait d’un coup. On lui demandait si il écrivait, il entrouvrit la bouche pour répondre, mais on lui laissa pas le temps de répondre qu’on s’enchainait sur un autre sujet. Tant mieux. Stan était un piètre écrivain. Il buvait les paroles de l’homme, trouvant son discours assez intéressant. Pour une fois qu’une personne parlait de littérature avec lui, il n’allait pas s’en priver. Il sourit lorsqu’on parlait des fêtes : il sortait, cultivait sa vie sociale, pour découvrir des contacts, des littéraires, des esprits formidables, de la musique, des musiciens aussi, des plasticiens, des philosophes. A choisir ses lieux on choisit ses contacts. Cette maxime, il l’enfonçait dans le crâne de sa sœur à grands coups de marteau piqueur, elle se fichait de lui. Tant pis.
Il eut une vague déception quand l’homme parla de son journal. Cette discussion n’était donc qu’intéressée ? Un gigantesque coup de pub ? Un racolage de rue ? Il fronça les sourcils et trouva rapidement cette technique commerciale déplorable. Et dire qu’il pensait avoir trouvé une perle rare, une personne avec qui passer des heures à débattre sur ses livres étranges, à ne pas se prendre le bec quand une personne vulgarise son œuvre préférée.

« J’avais deviné. » répondit – il amèrement à Ismaël.

En réalité, il n’avait rien deviné, avait bu des paroles, s’était heurté à la réalité et s’en allait. Malgré tout, Tysiphone lui disait que pour diriger une revue littéraire, l’homme devait s’intéresser à l’art un minimum, ne serait – ce pour trouver les talents, les orienter, les guider.

Quand ils arrivèrent, le vent frais soufflait sur Omois. Ce fut la première chose qui choquait Stan, avec les rues tapissées d’ordures de la veille, des commémorations, des bouteilles amantes vidées par l’amour des ivrognes, les avenues couloirs du plaisir. Un œil levé, et il remarquait que le jour se levait. Stan montrait son habitation à Ismaël, son loft, son bijou incrusté dans Omois, son joyeux rouge et bleu dans le morne de Tingapour. Il avait désiré la repeindre l’an dernier, malgré la contestation de ses colocataires. En bon tyran, il avait déclaré d’un air digne qu’il était le propriétaire du logement, et qu’il avait le pouvoir de tous les foutre dehors s’il en avait l’envie. En réalité, il n’en aurait jamais l’envie, traquant trop la chaleur humaine et l’amour d’autrui pour mettre quelqu’un dehors, mais allez savoir pourquoi, les autres parurent effrayés par la remarque et se turent. Il fallait surtout croire que Stan était un bon orateur, doux jésus qui l’eut cru.
L’intérieur était plus coloré que l’an passé. Le gris terne et les murs blancs avaient laissés place à une fraîche peinture bleue, verte, blanche, orange … Quand on lui demandait pourquoi ses tâches de peinture sur les murs, pourquoi ses murs étranges, pourquoi ce fond blanc, puis bleu, il répondait d’un air rieur « la symbolique, connasse ». Au dessus de cette insulte, on paraissait offensé, on s’en allait. Et ça, Stan l’avait bien comprit.
Le bleu pour le calme, le blanc pour la pureté, le vert pour l’espoir, le orange pour l’énergie. Allez faire comprendre cette importance obsessionnelle que Stan portait aux couleurs et à la symbolique, à l’importance démente qu’il portait à telle utilisation de chaque mot. Pour lui, « coucher » et « faire l’amour » était différent, « prendre un thé » et « boire un thé » passait du péjoratif à l’optimiste, « amis » et « copains » étaient deux relations bien distinctes.

Rapidement, Ismaël passait de « connaissance » à « copain », puis de « copain » à « ami ». Il commençait d’abord par passer de temps en temps au loft, pour le travail disait – il. Peu à peu, Stan observait avec amusement avec quel enthousiasme il venait, et comprenait que sa nouvelle n’était plus le centre d’attention. Une paire de lunettes sur le nez, le jeune homme lui pointait les erreurs, les choses qui le gênaient, les incohérences, les points flous du récit. Ce qui paraissait complètement professionnel devint plus affectif, et très rapidement les deux hommes se découvrirent des passions communes. Dans le loft, on ne gueulait plus « y a l’écrivain qui arrive ! » mais « Ismaël débarque ! ».

C’était un janvier. La mémoire défaillante de Stan ne serait pas dire quand, et s’en fichait assez. Ismaël avait surgi dans le loft, avec sa pile d’essais sous le bras. Il écrivait bien, et c’était pour le jeune homme toujours un plaisir de lire son ami. Il trouvait ses récits intéressants et à double tranchant. Il venait, annonçant le succès de son feuilleton. Ravi pour son ami, Stan s’était exclamé « fêtons ici ! on sait fêter ici ne t’en fais pas ! » il était seul avec Tysiphone dans le loft, mais tant pis, tout seul il savait fêter quelque chose, tant pis. Avant de célébrer dignement cette victoire sur le marché de la littérature, Ismaël se projetait déjà dans la suite de son récit. Stan se délectait de ses brouillons, braquant son œil critique sur chaque tournure de phrase. Quand un double sens était exploitable, il levait la tête et prenait ce sourire habituel, celui de l’illumination. « Y a un truc là », qu’il disait. Tysiphone l’aidait, et il l’écoutait. La musique adoucissait les mœurs disait – on, le petit brun préférait élargir sa théorie à toute forme d’art, en tant qu’amateur de cette douce science. Les brouillons lui parurent intéressants, bien qu’à remanier sur certains points. C’est certainement ce qu’il préférait chez Ismaël : il lui présentait sans honte de véritables brouillons et des premiers jets. En effet, Stan haïssait perdre son temps sur un faux brouillon, où l’interlocuteur n’attendait juste que de simples compliments pour gonfler son estime. Dans ces cas là, l’œil critique du jeune dévoreur de livres devenait noir, et il tirait des défauts de partout, inventait des contre sens et en un instant, un récit en relief devenait aussi plat et profond qu’une pataugeoire. Il détestait les présomptueux oui.

Ils se prirent chacun une bière à la fin du travail, histoire de célébrer dignement la victoire de son ami, une bonne fois. Stan riait, le gratifiait, lui promettait un avenir prometteur. Il l’imaginait déjà, best seller autremondien, bien que la gloire et la richesse ne semblait pas être l’objectif d’Ismaël. Un homme aussi passionné par l’écriture ne pouvait pas demander autant de gloire.
Quand le mot sangrave arriva dans la conversation, Stan eut un rire nerveux et posa ses mains sur ses genoux, les épaules en arrière, les jambes croisées, soudainement gêné. Il était dans le négationnisme absolu quand il en parlait. Pour lui, cet événement n’était jamais arrivé, et qu’on lui suppose qu’il était dans cet état de négation le rendait mort de gêne. Malgré tout, Tysiphone était sa conscience, ressassait ses souvenirs. Sans son familier, Stan se serait enfoncé dans une bêtise d’oubli, une obsession d’un bonheur artificiel. Rester un peu rationnel, c’est toujours utile pour la vie sociale qu’on lui disait.

« Les … Sangraves ? Je … Pourquoi tu … ? »

En réalité, il savait pertinemment pourquoi lui et pas un autre. Faith n’était pas discrète dans ses piques, Levy n’en parlons pas. Billie était lourd quand il parlait, seul Even partageait ce soudain silence quand on évoquait cet épisode de leurs vies. D’un côté, l’homme en fauteuil avait vécu la même chose que lui, donc ils étaient habitués à être des sortes d’héros politiques, toujours cachés derrière leurs vestes pour éviter les regards des caméras. En un instant, ils étaient devenus des héros nationaux alors que la veille, Even était un homme recherché et Stan un homme détesté. Eh oui, faîtes vous enlever, vous aurez tous les malheurs qui seront gommés pour faute de traumatisme.

« Pas comme toi, n’est-ce pas ? J’ai l’impression que tu me caches quelque chose à ce propos ; mais peut-être que je me trompe, après tout. Est-ce que je me trompe ?
Oui. »
Il se mordit la lèvre inférieure. « Je vais me prendre un café. »

Il se leva brusquement et se dirigea dans le coin cuisine de la pièce, séparée par un muret bas. Dans ses cas là, il aurait souhaité avoir de vraies pièces, et faire des gigantesques pièces séparées en petits morceaux par des murets. Il aurait pu prétendre s’être perdu, il aurait pu hurler en paix entre quatre murs. Au diable l’Amérique et ses cuisines.

« Qu’est – ce qui te fait dire ça ? »

« Ta sœur et sa grande gueule. » rétorqua Tysiphone. Pour une fois, Stan approuvait. Quand on parlait de sa sœur, il admettait qu’elle parlait peut – être trop fort de certaines choses. Il lui avait souvent dit, mais elle semblait ancrée dans son idée « les secrets blessent ». Certes, Faith, mais parfois, certaines choses ne sont pas évoquées. Il y a une raison. Stan râcla le plan de travail de ses ongles, bercé par le clic clac mécanique de l’horloge. Il attendait la machine à café. Il attendait une réaction d’Ismaël. Il attendait que l’horloge s’arrête. Très vite, cette situation lui parut interminable, et dans sa tête il vit une frise chronologique s’étirer jusqu’à l’infini.

« Roh et puis merde. Non. Non tu te trompes pas. Et ça me gave. Je devrais apprendre à toute cette baraque à se la mettre en veilleuse des fois. »

Le café coulait dans sa tasse, et il commençait à peine à se demander si boire une boisson caféinée dans un état pareil était une bonne idée. Au diable les bonnes idées se disait – il, et sa conscience lui disait le contraire. Que la conscience soit damnée alors.

« Je m’en cache assez. J’ai pas envie d’en parler. Je hais en parler, c’est surtout ça. J’ai une haine viscérale sur ce récit. Je préfère me dire qu’il n’a jamais existé, la réalité est plus jolie comme ça. » Il s’assit, café et petits gâteaux qui contrastaient l’aspect terrible de la chose. « J’ai été un otage politique durant l’attentat du Splendide. T’as du en entendre parler, à moins d’habiter dans une grotte reculée sur Terre. Des centaines de personnes ont été prises, et la plupart a été infectée de force par la magie démoniaque. Au départ, c’était le plan. On devait prendre les gens, leur peindre un joli symbole sur le torse, et une douleur les prenait. On disait que le mal à l’état pur entrait en eux. J’ai jamais voulu croire à cette théorie, je préférais l’imaginer fausse, c’est plus agréable de croire aux rumeurs. J’ai échappé à ce sort grâce à Even, tu sais, le type en fauteuil roulant avec sa fille qui habite de temps en temps ici. Even était là bas, avec sa gosse, Helen. Il avait eu le choix entre moi et un autre gars, il m’a préféré. Il devait être tombé sous le charme de mes cernes de trois pieds de long, de ma gueule tordue ou de mon air d’adolescent attardé, va savoir. »

Il se mit à trembler légèrement. Soudainement, ses oreilles sifflaient et les couleurs lui paraissaient plus vives. Son équilibre était bancal, et il préférait aller s’allonger dans un des canapés lits dépliés. Tel un psychiatre et son patient, ils étaient là, à deux, à parler de sujets graves et sérieux autour de bières, cafés, et surtout de petits gâteaux.

« Even avait foi en l’humanité. Il détestait un mec, Sight, et Sight était homosexuel. J’avoue être fermé d’esprit, ce que je ne comprends pas, je le révère. J’ai tendance à trouver le fait d’aimer un autre homme artificiel, c’est trop sexuel pour relation. Après j’ai un avis polémique, et je le sais. » et les seules choses contre nature étaient les hommes anti amour, Stan. « Je me souviens juste d’un regard bleu glacial, et si je devais le comparer à un animal, il serait un aigle, impérial, imposant. Je tentais de me tenir droit face à un golem, constitué de noirceur et de haine. C’était assez terrifiant. Il m’a fracassé plusieurs fois. Il était mon punching ball oral, j’étais son souffre douleur. Je l’aimais bien pour ça. Il permettait de me défouler verbalement, car dans un lieu aussi gris et morne que la Forteresse Grise, j’avais besoin d’hurler, de frapper des murs. Quand on vit avec une gamine de 5 ans, c’est compliqué. J’aime trop Helen pour la traumatiser. J’ai donc vécu à la Forteresse Grise avec Even, Helen, et Eyleen. Je t’en ai jamais parlé d’ailleurs. Et tant mieux. » il soupira. Tant mieux oui. « Au final, Even m’a confié son envie de révolte. Etant une tête brûlée, j’ai donc accepté sans réfléchir. Un projet fou comme celui-ci me séduisait. Très vite, on a mit les préparatifs en place. J’ai fais face à Magister alors que j’étais accusé de le rendre cocu avec Selena Duncan. Et oui, j’ai été accusé de rendre Magister cocu, grand moment de ma vie. On cherchait juste à s’évader en escaladant un mur, Sight nous a choppé. Sight est un frustré sexuel, il faut comprendre qu’il voit des allusions de partout. » Il prit une gorgée de café, se redressa légèrement pour éviter de s’en mettre plein sur la tête et il regarda Ismaël sérieusement. « Ce que tu dois savoir, c’est qu’on a réussi à s’échapper. On a fait notre révolte, ça a marché. J’hallucine souvent en me disant qu’aussi jeune je suis devenu un héros politique. Avant, j’étais qu’un agent d’accueil. Malgré cette célébrité que tout le monde pourrait envier, j’évite d’apparaître sur les images, je me cache en sortant, j’en parle pas. Pas par modestie, mais parce que c’est un épisode à oublier. Je refuse qu’on commémore ça des années durant, par pur devoir de mémoire. C’est trop hypocrite pour moi, et je ne veux plus en entendre parler. Ma vie continue, et c’est l’essentiel. Passons sous silence ce passage de ma vie. »

Il avait conscience que son récit n’avait ni queue ni tête, qu’il était décousu, étrange, bancal. Mais plus que tout, Stan y avait mit de la sincérité.

« Des questions ? Profite, c’est rare que j’accepte d’en parler, et c’est certainement une des premières et une des dernières fois que j’ouvrirais ma bouche pour parler d’otages et de Sangraves. »

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Ismaël Mérindol
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MessageSujet: Re: l'échelle de jacob ▲ prio ismaël.   l'échelle de jacob ▲ prio ismaël. Icon_minitime1Mar 30 Déc - 14:43

Le lundi qui avait suivi la conversation des deux amis, Ismaël se rendit au Passeur d’Intrigue pour rendre ses derniers écrits. Tout le monde le félicita chaudement, même si le sorcelier pu apercevoir un brin de contrariété sur le visage de certains, contrariété que beaucoup devaient ressentir en réussissant néanmoins à la dissimuler : en effet, Ismaël n’était qu’un petit nouveau, un « campagnard » qui n’avait d’ailleurs pas caché ses origines paysannes ; et pourtant, son roman plaisait… D’aucun prétendait que le public était médiocre, ne savait pas reconnaître le vrai talent, et demandait donc des histoires à son image. Mais lorsqu’il arrivait à M. Voltaire d’entendre une pareil critique à l’adresse d’Ismaël, il s’empressait toujours d’aller tirer l’oreille au médisant. Ces remarques que le trentenaire parvenait parfois à saisir l’irritèrent dans un premier temps ; mais il en tira aussi, et sans s’en rendre vraiment compte, un certain orgueil : la jalousie des citadins était la preuve de sa réussite, lui à qui l’on n’avait rien offert. Il avait tout dû arracher au destin, et maintenant, il se retrouvait au-dessus d’autres avec lesquels la vie avait pourtant été plus douce. Et lorsqu’il lisait les autres histoires du Passeur d’Intrigue, parfois, il souriait sarcastiquement de la maladresse de ses confrères dans une tournure de phrase ou dans le ménagement d’une révélation. Mephi l’avait remarqué mais ne lui disait rien, parce qu’après ces moqueries, il était plus travailleur, et avançait d’autant mieux son Guide d’Autremonde comme son roman-feuilleton.

Néanmoins, la contrariété qu’il aperçut ce jour-là ne fit pas sourire Ismaël : la conversation qu’il avait eue avec Stanley lui restait en mémoire. Avant, il se demandait si l’on ne pouvait pas condamner la famille royale tout comme les Sangraves, et supposait l’assassinat effectué pour une cause qui en théorie pouvait être justifiée ; maintenant, son sang bouillonnait contre les robes grises, et aucun prétexte n’aurait pu les gracier à ses yeux. Les confidences de Stanley sur leurs sombres agissements, ne cessaient de lui revenir en mémoire, tandis qu’il revoyait la soirée du vendredi.

Lorsque Stanley s’était relevé pour aller se chercher du café, en répondant qu’Ismaël se trompait effectivement sur son compte, ce-dernier avait commencé à douter de sa théorie, et se serait immédiatement excusé pour son impertinence s’il n’avait pas su que Mephi avait tiré les mêmes conclusions.

*Mais quel crétin je fais ! Lui demander comme ça son histoire… Je ne suis pas le fils d’un paysan pour rien ! Bonjour le tact !*

« Roh et puis merde. Non. Non tu te trompes pas. Et ça me gave. Je devrais apprendre à toute cette baraque à se la mettre en veilleuse des fois.

- Tu devrais plutôt arrêter de rester dans ton coin et dire la vérité. »  répondit automatiquement le sorcelier sur un ton sévère.

*Quel crétin, quel crétin ! Voilà que je parle comme mon père ! Mais qui me ferait confiance après une phrase comme ça ?*

« Je m’en cache assez. J’ai pas envie d’en parler. Je hais en parler, c’est surtout ça. J’ai une haine viscérale sur ce récit. Je préfère me dire qu’il n’a jamais existé, la réalité est plus jolie comme ça. »

Le jeune homme commença alors son récit, entrecoupé de commentaires cyniques et désabusés. Ismaël ne l’interrompit plus, hypnotisé par la voix et les paroles de son ami. Enonçant de pair les mêmes faits, ces deux éléments se contredisaient pourtant : parfois, le ton employé n’était pas différent de celui de tous les jours, à la boulangerie ou dans la rue, alors qu’il racontait désormais la douleur qu’il avait éprouvé ; à d’autres moments, il faisait une simple pique, un trait d’esprit ; mais sa voix tremblait.

« Des questions ? Dit finalement le jeune homme. Profite, c’est rare que j’accepte d’en parler, et c’est certainement une des premières et une des dernières fois que j’ouvrirai ma bouche pour parler d’otages et de Sangraves. »

Ismaël se permit un silence avant de répondre, afin de s’exprimer de façon claire malgré toutes les pensées qui s’entrechoquaient dans son esprit. Il dû notamment se forcer à ne pas poser trop de questions à la fois, et à attendre que Stanley ait répondu avant de continuer.

-Je ne comprends pas… Qu’est-ce que veut dire cette histoire de marque ? Pourquoi les Sangraves voudraient-ils en apposer sur des gens ?

Pendant un instant, il faillit perdre le contrôle de lui-même et finir par « c’est absurde ! » ; mais c’est exactement de cette façon que son imbécile de père aurait réagi. Il demanda combien de personnes avaient été enlevées, ce qui s’était passé exactement au Splendide et à la cachette des Sangraves. Au travers de longs moments de silence, il su enfin pourquoi, un jour d’hiver, il avait dû aider un jeune homme dont les angoisses n’avaient laissé que quelques poubelles pour seul refuge.


Le directeur accueillit Ismaël avec un large sourire, et le trentenaire sortit de ses pensées. M. Voltaire travaillait dans un petit bureau dans lequel régnait le désordre le plus total : comme le secrétaire n’offrait pas une place pour mettre ne serait-ce qu’une feuille de plus sans menacer de faire s’effondrer le reste, des documents jonchaient le sol ; l’armoire derrière le directeur était toujours laissée ouverte, et contenait elle-même foule de brouillons, de mémos, de livres de compte que M.Voltaire uniquement parvenait à extirper de la masse sans effort pour les consulter. Seule a deuxième chaise du bureau se trouvait épargnée par ce chaos – M. Voltaire occupait sur la première – et n’avait à supporter que le poids d’une tasse de café.

Le directeur lu avec attention les feuillets du sorcelier, et le complimenta. Cependant, malgré l’air détendu qu’affectait son employé, il vit que quelque chose le tracassait.

«  Mais je vous sent préoccupé, Mérindol, dit le directeur quand il eut fini ses commentaires sur Gurvann Aile-Dairain.  Avez-vous des soucis ?

-Non, ne vous inquiétez pas, » le rassura Ismaël. Le trentenaire hésitait sur la conduite à tenir : M. Voltaire était un homme extrêmement fin, capable de juger une personne au premier coup d’œil sans jamais se tromper, et donnait toujours de bons conseils. D’un autre côté, il n’aurait pas été de bon ton de révéler le secret de Stan, même si M. Voltaire n’avait que peu de chance de le revoir. L’écrivain trancha donc pour une réponse un peu vague :

« Il s’agit d’un ami que vous avez déjà rencontré. Il ne va pas très bien ces temps-ci.

- Le jeune homme pâle je suppose (Ismaël hocha la tête). Un garçon intelligent, n’est-ce pas ?

- Oui. Il m’apporte une aide précieuse pour la correction de mon roman. »

M. Voltaire resta un instant silencieux, les yeux fixés sur les pages qu’il tenait entre les mains. Puis il les posa avec un soupire et déclara, en reconduisant le sorcelier jusqu’à la porte :

« Je suis bien chagriné de savoir qu’il ne va pas bien. J’espère que son moral s’améliora. »

L’écrivain travailla toute la semaine, et se rendit avec soulagement chez Stan le vendredi après-midi. Si Gurvann avait du succès, il traversait une mauvaise passe concernant son Guide d’Autremonde : l’ampleur de l’ouvrage le désespérait. Arrivé au loft, il demanda à Stanley s’il voulait bien l’accompagner acheter un nouveau manteau. L’hiver avançait, et il commençait à frissonner dans sa vieille pèlerine ; par ailleurs, Ismaël détestait faire les courses, en particulier seul, ce à quoi il devait pourtant se résigner d’habitude, parce que les vendeurs n’acceptaient pas la présence de Mephi dans les magasins. Les deux sorceliers discutèrent sans faire mention de leur soirée. Ils avaient pour point commun une magie peu puissante, et chemin faisant, Ismaël apprit à son jeune ami des sorts et des contres-sorts  à la fois simples et efficaces. Il expliqua notamment la formule pour faire tant éternuer un adversaire qu’il en devenait incapable de prononcer une incantation ou de combattre. Il put même l’illustrer par sa propre expérience et les deux hommes rirent de bon cœur. Ils s’entrainèrent même dans un jardin public. Malgré sa grande taille et un léger embonpoint, Ismaël se montra très agile, habitué au bagarre dès son adolescence. Mais il eut plaisir à observer que Stanley lui offrait une certaine résistance, et semblait vite intégrer les conseils qu’on lui donnait. A la fin, ils rentrèrent tous les deux épuisés au loft pour s’asseoir dans deux fauteuils et discuter à bâton rompu.

Mephi jouait avec Helen qui ne semblait nullement effrayée par sa stature imposante ; un livre était encore ouvert près de lui, et témoignait d’une étude dont le jeu ne devait être qu’une interruption provisoire, une pause avant de mieux réfléchir sur des problèmes scientifiques. Il salua les deux arrivants, sans toutefois cesser son activité. Il ne jugeait plus Stanley d’une façon aussi négative, mais se méfiait encore un peu de lui. Il avait tout de suite compris que l’attitude du jeune homme ne pouvait venir que d’une expérience traumatisante, mais, loin d’excuser le sorcelier, cette expérience le rendait –du moins pour Mephi – d’autant plus susceptible d’agir de manière inconsidérée et dangereuse. Pour dire la vérité, aucun des habitants du loft ne lui inspirait pleinement confiance, excepté Helen, dont l’innocence et le jeune âge préservaient de trop mauvaises pensées.

Pour la première fois, Ismaël et Mephi restèrent dormir, blottis l’un contre l’autre, et ne repartir que le lendemain. Cette respiration requinqua Ismaël, qui travailla d’arrache-pied sur son Guide le samedi et le dimanche ; voyant cela, Mephi insista pour qu’Ismaël se rendît désormais au loft tous les vendredi après-midi, et non plus les vendredi soir. Le trentenaire confiait sans crainte ses brouillons sur Gurvann, ses projets pour la suite de l’histoire, et en débattait sans fin avec Stanley ; mais il hésitait à parler du Guide, tout d’abord parce que Mephi lui offrait toute l’aide dont il avait besoin, et que le Guide ne nécessitait pas d’autres relectures pour ce qui était mise en forme ; mais aussi parce que l’ouvrage ne proposait qu’une visée purement pratique, et donc rébarbative pour un jeune lecteur en quête d’aventures. Une fois seulement, il avoua son impatience et son agacement à Stanley :

« M. Voltaire est de plus en plus insistant pour que je fasse une trilogie de Gurvann, avec l’arc que j’écris en ce moment comme premier tome. Mais même si c’est divertissant et que Gurvann me permet de dénoncer certains abus, ce roman n’est qu’un amusement, ainsi qu’un moyen pour moi de gagner un salaire. Ce n’est pas avec un roman qu’on change le monde, et mon Guide sera bien plus utile à tous les voyageurs ; il est plus pragmatique, vois-tu ? Je l’avance comme je peux, mais Gurvann me prend beaucoup de temps, et pour pas grand-chose, au final. »

Il soupira et but un peu du verre de bière qu’il tenait dans la main. Pour remercier les locataires de leur chaleureux accueil, il avait acheté la meilleure bière qui se vendait à Tingapour (ville déjà réputée pour son alcool) et en savourait maintenant un peu la saveur.  

***
 « Où donc dites-vous ?

 - A Omois, une ville florissante du nom d’Aliscandre ; le public est très curieux de cet endroit, et cela enrichirait encore votre roman avec des descriptions…atypiques. Répondit M. Voltaire

-Mais c’est terriblement loin !

- Pas du tout ; vous serez directement transportez à la capitale d’Omois, et de là-bas, le voyage ne prendra qu’une semaine.

-Vous n’y pensez pas ! Les frais engendrés…

-Pris en charge par Le Passeur interrompit M.Voltaire en écartant cette objection d’un geste de la main. Allons, continua le directeur, comme il vu Ismaël regarder autour de lui pour chercher dans le désordre du bureau un nouvel argument contre ce voyage qui dérangeait ses plans, allons, cela ne vous prendra que deux ou trois mois, et vous reviendrez avec le meilleur roman du moment ; de plus, ne voulez-vous pas faire un guide, une sorte d’aide ? Voyez ce voyage comme une opportunité de visiter un nouvel endroit ! Je croyais vous obliger ; n’êtes-vous pas un voyageur ? En quoi ma proposition vous déplaît-elle ? »

Ismaël n’aurait su le dire. Tout d’abord il aimait être prévenu, et cette « opportunité » se présentait de manière un peu précipitée. Et puis, il avait déjà beaucoup de notes à mettre en forme… Bien sûr, aucune de ces deux raisons n’expliquaient la réticence d’Ismaël. Après tout, il avait l’habitude des changements, et puis il pourrait travailler indifféremment dans cette ville ou ailleurs. C’est plutôt que le nom d’Aliscandre lui était familier, et exercait sur lui une certaine réticence. Mais pouvait-il refuser à cause d’une pareille broutille ?

« Bien sûr je ne peux ni ne veux vous forcer, même si je ne saurais trop vous conseiller d’accepter. Si cela peut vous décider, vous pourrez emmener au frais du journal votre ami et votre familier. continua M. Voltaire.

[color=#3366ff] -Vous n’avez pas tort… Après tout, je n’y perds rien, je suis bête d’hésiter. C’est d’accord.

-[color=#339933]A la bonne heure ! s’écria M. Voltaire. De joie, il sauta de son fauteuil, pris deux tasses et y versa du café.[color=#339933] Je ne bois pas d’alcool, lança-t-il gaiement mais levons tout de même nos verres à la future prospérité de Gurvann Aile-Dairan ! »

La bonne humeur du directeur conquit Ismaël qui se mit à rire.  La perspective d’une nouvelle ville à découvrir lui rappelait les nombreuses vadrouilles qu’il avait faites tout au long de sa vie, et il lui tardait désormais de recommencer. Après une semaine de labeur, il partit pour Tingapour, et proposa ce voyage à Stanley, en essayant de mettre en valeur les nombreux avantages qu’il présenterait. Il sous-entendit aussi qu’une nouvelle ville, un nouveau paysage, permettrait au jeune homme de s’enrichir pour affermir son style et peut-être commencer lui-même à écrire ce qui pourrait devenir, plus tard, un roman.

Le trentenaire fit ses bagages. Il demanda à M. Voltaire plusieurs vieux numéros du Passeur d’Intrigue que le directeur lui prêta avec plaisir. En effet, le trentenaire voulait avoir de quoi se distraire pendant le voyage, et reconnaissait le talent de quelques auteurs parmi ceux du journal ; et ces numéros allaient il est vrai lui apporter toute la distraction qu’il attendait, en plus d’une révélation qu’il n’attendait pas. Il plia bagage, et le jour du départ, marcha de bon pas jusqu’à la Grand’Place, où avait lieu la téléportation. C’est toujours avec bonne humeur qu’il retrouva Stanley, et qu’ils partirent ensemble pour Aliscandre, juchés sur deux beaux chevaux.
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